Sandra avec sa planche à pagaie sur l'eau dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP

Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard

Sandra en paddleboard sous le pont Champlain à l'été 2024 dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP

Réaliser que tu souffres d’un choc post-traumatique… en pleine rivière, sur ta planche de paddleboard

Dimanche 18 mai 2025, en quelques instants, je suis retournée 15 ans en arrière. Et je n’ai pas aimé ça. Pour la première fois en 15 ans, j’ai réalisé que je souffrais d’un choc post-traumatique. J’y avais déjà songé quelque peu par certains ressentis et certaines peurs vécues dans des moments clés. Mais hier, ça m’a frappé comme une brique. Malheureusement, cette constatation n’a fait qu’empirer l’état dans lequel je suis « dans ma tête » depuis ma naissance. Je pense que si je n’avais pas eu le passé que j’ai, sans tous ces électrochocs qui ont parsemés beaucoup trop de moments dans ma vie, je n’aurais pas eu cette réaction-là dimanche. Hélas, ces blessures du passé en ont créé une nouvelle hier. Dans ma tête, ça s’est déchiré… encore.

Pagayeurs avec leurs planches qui s'apprêtent à descendre la rivière Missisquoi Nord dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
Malgré ma grande fatigue du matin, la journée s’annonçait pourtant belle et joyeuse.

Une sortie de SUP planifiée entre amis qui commence sous la pluie

Dimanche dernier, j’ai commencé ma journée dans un sentiment étrange. Je n’avais pas dormi de la nuit et puisque je souffre d’insomnie depuis près de 25 ans, les effets sont intenses. Je n’avais pas mes médicaments avec moi donc je n’ai pas été capable de trouver le sommeil. Au matin, j’avais très hâte d’aller faire la ride de paddleboard prévue avec mes amis sur la Missisquoi Nord. Ce week-end-là, on l’avait prévu depuis les fêtes de Noël. La température nous a obligé à changer un peu nos plans mais ne nous a pas arrêté.

Samedi, on a fait une super belle ride sur la Tomifobia, sous la pluie et les orages et bien sincèrement, le plaisir était au rendez-vous pour chacun de nous. 10 fous, 10 cinglés du paddleboard tous réunis pour braver Dame Nature et malgré les quelques wipe-out et les embâcles à défaire par notre gang de cinglés, ça été un gros fun fou. Parce que rien n’est arrivé. Ça fait toute la différence. On a une gang soudée, forte, à l’écoute et on est tous là les uns pour les autres. Et je m’en suis rendu encore plus compte dimanche, hier.

Notre groupe d'amis qu'on appelle ''Les cinglés du paddleboard'' dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
Je vous présente une partie de notre gang Les cinglés du paddleboard, parce qu’on aime descendre des rivières de rapides

À peine sur l’eau, mon corps me lançait déjà des messages d’alerte

J’étais ultra fatiguée, malgré un déjeuner complet préparé par mes parents, j’avais le sentiment d’avoir faim. Une étrange faim car c’était impossible que j’aie faim. J’ai pris un boost en plus avant d’aller sur l’eau. 2 gorgées d’un mixte de gingembre, de curcuma et autres ingrédients énergisants. En arrivant sur l’eau, je ressentais encore mon étrange faim. Les pluies torrentielles des dernières journées avaient inondé les plaines. Le niveau d’eau était 3 fois la hauteur normale. Le débit était très élevé. Y avait des branches partout et les ponts étaient parfois infranchissables. On a fait un portage sur le premier et sur le 2e, on a dû se coucher sur nos planches pour passer. Une décision qui a dû se prendre en 2 secondes, voyant qu’à genoux, ça ne passerait pas.

Pont qui enjambe la rivière dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
Le pont où on a dû passer couchés sur nos planches était encore plus bas que celui-là

Quand la souffrance invisible prend toute la place

On était à l’eau depuis à peine 15 minutes quand je suis tombée pour la première fois. Je suis restée accrochée à une branche d’arbre à cause de ma leash. Le débit était super élevé et ça m’a fait tomber. Heureusement, j’ai un quick release et ça s’est détaché tout seul. Quand je suis tombée, ça m’a fâché. Pourquoi moi, pourquoi maintenant? J’étais fâchée contre moi de n’avoir pas pu rester debout.

Ça m’arrive souvent, plus qu’à mes amis et ça me dérange (j’ai une cheville soudée qui ne me permet pas de me mettre en ‘petit bonhomme’. Je suis d’abord remontée, puis 5 minutes plus tard, je suis retombée à l’eau, pour une raison qui m’échappe. Je ne me sentais pas solide sur mes jambes. Et déjà, je sentais le froid m’envahir peu à peu. Je portais un wetsuit 3mm, normalement ç’aurait dû être suffisant pour la saison. Mais je ne feelais pas ce matin-là.

La voix critique en moi qui ne se tait jamais

Le courant était très rapide, y avait des tourbillons partout. Fallait être vigilant. Je ressentais toujours ma faim, mon froid et mes jambes flageolantes. Je t’entais de faire taire le feeling que ça n’allait pas en moi. Voyant que mes amis s’en sortaient bien, j’avais une petite honte qui se formait à l’intérieur de moi. Je suis ainsi faite et je déteste ça. Au cours de la descente, d’autres sont tombés mais leur moral restait intact alors que moi je me punissais par en-dedans. Je suis née avec cette personne détestable à l’intérieur de moi. Et mini-moi à l’intérieur de ma tête est puissante, très critique et elle néglige souvent mon petit cœur fragile, déjà si blessé par le passé. J’ai bientôt 47 ans et malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à la faire taire. Ben non je ne suis pas schizophrène! J’ai juste beaucoup de blessures.

Mon chum et moi en paddleboard sur l'eau dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
J’essayais de sourire bien malgré moi. À ce moment-là, j’étais déjà congelée de froid.

Faire des rapides en paddleboard, c’est pas pour tout le monde

On poursuivait notre descente mais je me suis mise à avoir plus froid. J’ai donc ajouté mon imperméable pour empêcher le vent de pénétrer mon wetsuit trempé. J’avais de la misère à sourire. Encore moins à rire. Je me tenais à l’écart, me sentant un peu à part, me jugeant moi-même. À 2 reprises j’ai demandé à l’univers de me donner la force, le courage, l’équilibre. La première série de R2 est arrivée. Les gars sont allés en premier puis Marianne a suivi. J’ai dit à Édith que j’aurais aimé qu’un gars reste avec nous derrière, pour fermer la route. Personne ne savait vraiment de quoi ç’aurait l’air. Avec le débit si élevé, y pourrait y avoir des arbres tombés qui nous barrent la route. Bref, on est toutes allées, une à la fois, à genoux sur nos planches.

Quand c’est rendu que tu demandes de l’aide à l’Univers

J’avais la peur au ventre mais je n’avais pas le choix. Je me suis lancée, en priant à l’intérieur de moi que ça finisse bientôt. Mais c’était vague par-dessus vague par-dessus vague. Et ça n’arrêtait pas. J’avais l’impression que ça faisait 10 minutes que j’étais là. J’étais prise dans un grand S qui serpentait. Et j’étais seule. Complètement seule, la peur au ventre. Je ne devais pas tomber à l’eau ici. Il était hors de question. Mon chum Polo m’a dit par la suite que lui aussi avait trouvé ça épeurant (mais trippant à la fois, comme les autres pagayeurs de la gang). Y aurait pu avoir un arbre au beau milieu, on se serait tous tué. Par chance, on est tous passé. Le mur de roche de gauche n’a accroché personne et les vagues n’ont fait basculer personne. Mais ça ne resterait pas comme ça.

Un arbre passoire en rivière, c’est un danger de mort

Quand le débit a ralenti un peu, j’ai vu Polo et Daniel à ma gauche qui me criaient de m’arrêter tout de suite et de revenir sur mes pas vers eux. Devant moi, c’était très dangereux. Pas facile de s’arrêter comme ça en pleine vague avec un débit d’eau à 67m³/sec. Mais j’y suis arrivée. Une chance. Devant nous, il y avait un énorme arbre mort qui bloquait une grosse partie de la rivière, en plein dans notre ligne. Avant même que le reste de la gang arrive, Marianne s’est lancé la première. Elle était déjà partie quand je suis arrivée. On m’a dit qu’elle venait de frapper l’arbre de plein fouet et que Marc était parti à sa rescousse. Elle n’a pas réussi à tenir sa droite et à l’éviter. Elle s’est ramassée sous l’arbre. J’avais déjà peur, je me suis mise à me sentir terrifiée.

Sandra à genoux sur son paddleboard devant un arbre dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
Ça c’est moi, à genoux sur ma planche, terrifiée, quelques secondes avant de foncer sur l’arbre-passoire devant.

Seule sur l’eau, le froid et le doute m’envahissent

Daniel est allé les rejoindre, puis Sophie, puis Lise. Lise est tombée à l’eau et a perdu sa pagaie. On l’a vite perdue de vue mais elle s’en est bien sortie. Il ne restait que Édith, Polo et moi. Édith et Polo sont sortis de l’eau pour aller voir de quoi ça avait l’air. Pour avoir des nouvelles de Marianne. Pour voir si c’était possible de faire un portage. Je n’arrivais pas à savoir si je voulais passer ou pas. J’étais seule dans l’eau, je grelotais. Je ne l’ai pas dit à personne mais j’ai fait pipi sur ma planche !

Ne jamais hésiter à faire un portage quand c’est disponible

Édith est revenue en disant que le passage à pied serait difficile et Polo a dit que ce serait faisable. J’étais confuse. Dans mon for intérieur, je ne voulais pas le faire. Mais étant mal faite, je ne voulais pas être la seule à faire un portage. Polo m’aurait accompagné pour m’aider mais c’était pas pareil. Édith est donc allée et ça s’est super bien passé. J’ai hésité. J’ai gardé le silence quelques secondes en regardant la rivière et les grosses vagues. En regardant l’arbre au loin qui ne laissait qu’une petite porte d’entrée vers la sortie. J’ai dit à Polo ‘’Part après moi mais si je tombe, vient tout de suite svp.’’ Je l’ai supplié, en pleurant presque. Je savais qu’il serait là. Mais hélas, je savais que je tomberais. C’était écrit dans le ciel.

Quand le paddleboard est devenu le miroir de mes faiblesses

Tout l’avant midi je sentais que je n’avais pas ma force habituelle. Normalement, j’ai une grande énergie. J’ai fait la course de 30 km sur la Raisin River dans le vent. Ç’a été difficile mais j’y suis arrivée. Mais ce dimanche-là, mes muscles n’y étaient pas. La vie ne voulait pas que je réussisse. Elle avait plutôt en tête l’idée de me donner une bonne leçon. Une autre bonne leçon. Comme si je n’en avais pas eu assez dans ma vie. J’ai arrêté de compter toutes ces choses étranges et sordides qui me sont arrivées. J’ai toujours dit que j’avais un karma de marde.

5 personnes avec leurs paddleboard face à la rivière Moi et ma médaille à la fin de la course sur la Raisin River 2025 dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
5 cinglés du paddleboard fiers d’avoir terminé la course de la Raisin River 2025

La chute inévitable et la course contre le courant

Bref, j’ai pas su tenir ma droite. J’entendais Polo me crier de pagayer plus fort, plus fort, de pagayer à gauche pour me tasser à droite mais fatalement, j’ai vu la pointe de l’arbre à 1 pied de moi et j’ai su. Je suis tombée de ma planche et j’ai frappé l’arbre de ma tête. J’avais mon casque heureusement et mes lunettes soleil. 2 secondes plus tard, j’étais déjà loin, tenant ma pagaie de ma main gauche et ma planche de ma main droite. Je n’ai jamais voulu les lâcher.

Heureusement, j’avais eu le réflexe de ne pas attacher ma leash. Malgré le quick release, j’ai préféré ne pas prendre de chance. Me connaissant, quand je tombe, j’oublie toujours de tirer sur la boule rouge. Si une branche m’avait agrippé, je suppose que ç’aurait lâché automatiquement mais comme je n’ai aucune confiance en moi, j’ai préféré ne pas prendre de chance et ne pas m’attacher à ma planche. J’ai donc filé dans l’eau, les pieds devant, pendant des mètres et des mètres. Je ne sais pas quelle distance j’ai parcouru dans l’eau, agrippée à ma planche par en-dessous (parce qu’elle était à l’envers), en souhaitant de pas perdre mon stock. C’était comme si ma vie en dépendait. Le temps m’a paru infini.

Comment une sortie de paddleboard en rivière m’a ramenée 15 ans en arrière

Ce dimanche-là, je suis tombée de ma planche de paddle et du sommet d’une paroi d’escalade. C’était au Lac Larouche, près de Sherbrooke, il y a 15 ans. De 10 ou 15 mètres, je ne saurai jamais. Ce jour-là, au mois de septembre 2010, j’ai failli perdre la vie. Et je n’en étais même pas à mon premier accident d’escalade. C’était déjà mon 2e. Le premier était banal, malgré les séquelles que j’ai après 16 ans (cheville droite scrape, 3 plaques de titane et une vingtaine de vis qu’aucun chirurgien ne veut enlever). Je n’ai pas de séquelles physiques de ce 2e accident, malgré les 7 vertèbres cassées, le burst de ma L3 et mon traumatisme crânien. Mais ce dimanche-là, j’ai su qu’il m’était resté un choc post-traumatique de cet accident-là. Je ne l’avais jamais réalisé en 15 ans.

Radioscopie de l'état de ma cheville encore aujourd'hui dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
On me demande parfois pourquoi j’ai si peu d’équilibre. Voilà pourquoi !

Retour brutal dans le passé : quand l’esprit bascule sans prévenir

Aujourd’hui, bien assise dans mon divan, je me rappelle toutes ces fois où j’ai glissé sur la glace, où j’ai failli tomber en m’accrochant dans le bas d’une porte. Toutes ces fois où je me retiens pour ne pas tomber de ma planche, même en eau calme. La raideur dans mon corps, les pupilles dilatées, la boule à l’estomac. Mais surtout toutes ces fois où j’ai perdu pied dans un escalier parce que j’ai manqué une marche simplement. Pourquoi je criais de détresse chaque fois. Que je pleurais à chaudes larmes en ayant de la difficulté à respirer sans que personne ni moi-même ne comprennent. Tant de fois où j’ai fait une crise de panique pour un rien. Sans réellement tomber, juste glisser. Chaque fois, je tombais de ma paroi d’escalade.

Parce que c’est le seul souvenir que j’ai. J’ai perdu conscience ce jour-là. En disant bye bye à mon amie Karyne pendant que je descendais en rappel, mon cerveau a arrêté de se rappeler. Il a fait un shot down jusqu’à mon réveil à l’hôpital. Ça va faire 15 ans cette année. Aucun souvenir ne m’est jamais revenu. Même en rêve. Mais chaque fois que je tombe ou que je suis près de tomber, le feeling de tomber est bien là, juste là, derrière mon cœur et il est bien présent, bien décidé à ce que je n’oublie jamais.

3 photos datant de l'époque où je faisais de l'escalade en 2009 dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
En 2009 et 2010, j’ai eu 2 accidents d’escalade, qui m’ont amené à devoir renoncer à ce sport que j’adore

Quand la chute s’arrête mais que la peur reste

Quand l’eau s’est calmée un peu, j’étais rendu dans des branchailles, bien plus loin que les autres qui m’attendaient en retrait. On me criait de venir vers eux. Mais moi j’étais encore dans l’eau, ma planche était encore à l’envers. J’étais seule, je paniquais à l’intérieur de moi, mais pas trop fort. Je savais que la bataille n’était pas gagnée. Voyant que personne ne venait, j’ai fini par crier que j’avais besoin d’aide. Polo est arrivé derrière moi pour m’aider à m’asseoir sur sa planche. Ce que je voulais, moi, c’était retourner ma planche du bon côté. Mais j’étais épuisée. Incapable. À bout de force. Il était hors de question que je la laisse aller. J’ai réussi moi-même à la retourner, en utilisant le peu de force qu’il me restait.

Quand j’ose nommer pour la première fois de ma vie le mot ‘’choc post- traumatique’’

Ma planche retournée, je me suis assise et j’ai soufflé un peu. J’avais gagné cette bataille mais la guerre n’était pas finie. Je devais retraverser le rapide pour aller rejoindre la gang où l’eau était calme. On m’a expliqué quoi faire, même si je le savais. Mon cerveau avait tout oublié. J’avais peur. Ça m’a pris du temps pour me lancer. Puis je l’ai fait. J’entendais les autres crier très fort de pagayer. J’entendais leurs encouragements. J’y suis arrivée.

Mais dans mon cœur, je n’étais pas heureuse. Je ne ressentais que la honte. Je suis allée vers eux en leur demandant de ne pas rire de moi. Que c’était pas ma faute, c’était probablement un choc post-traumatique. Je venais de le nommer pour la première fois  »je souffre d’un choc post-traumatique ». Ç’aurait dû être évident que personne ne rirait mais ça ne l’était pas pour moi. À ce moment-là, je ne réalisais pas encore à quel point le choc allait être dur et brutal.

Sandra en 2010 après mon 2e accident d'escalade
Accident d’escalade #2, traumatisme crânien, fractures de 7 vertèbres

Le froid et la honte, le mix parfait pour un bon choc émotionnel

Nous avons décidé d’aller un peu plus loin pour manger dans un coin plus calme. Il nous restait encore le lac et les rafales de vents annoncées et surtout, 2 autres R2 à passer. En dînant, je me suis mise à grelotter très fort. Des larmes coulaient. Sophie m’a prêté un chandail et une tuque, j’ai enlevé le haut de mon wetsuit puis j’ai ajouté mon hootie de néoprène. Les grelots n’ont pas cessé. Les larmes n’ont plus. Chaque fois que je tentais de parler, ma voix se cassait. J’étais incapable de parler et chaque fois que j’essayais, c’était pour m’excuser d’être comme ça. J’avais honte. Je me revois la tête baissée, le dos courbé. À quel point peut-on être blessé à l’intérieur de soi pour penser que s’excuser est nécessaire? Je ne sais pas. Est-il possible de croire qu’un jour mes blessures guériront?

La décision de sortir de l’eau

Pendant qu’on mangeait, j’ai dit que je ne voulais plus retourner dans l’eau. Que je n’avais plus la force, que j’avais trop froid. Que j’avais déjà tout donné. Trop donné même. Heureusement, on était au bon endroit. On s’était arrêtés au bas d’un camping municipal et on ne le savait même pas. Mon chum a suggéré de téléphoner à mes parents qui vivent à 30 minutes de là. Mais j’ai refusé car je ne voulais pas qu’ils me voient encore dans un état lamentable, terrifiée, défaite.

Ce jour-là, on a risqué nos vies… sans que personne ne le réalise

Nous avons téléphoné à une amie de Lise pour lui demander de venir nous chercher. Elle habitait tout près. Lise avait froid et Polo m’accompagnait. Il ne se sentait pas au top lui non plus, il avait eu peur pour moi mais encore plus pour Marianne. Comme j’ai dit, je n’ai pas vu Marianne s’accrocher dans l’arbre mais Polo a eu très peur pour elle. Encore aujourd’hui, il est marqué par ce qu’il a vu. Marianne s’en est bien remise heureusement. Elle est forte. Beaucoup plus que moi. Mais comme Polo le dit souvent, les gens meurent dans l’eau. Nous avions un arbre-passoire devant nous qui aurait pu tous nous tuer ce jour-là. Ça arrive chaque année. Quand on en reparle aujourd’hui, on pense tous les deux que la gang n’a pas réalisé à quel point notre vie a été en danger ce jour-là, à cause de ce foutu arbre.

Marianne sur sa planche à pagaie dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
La chute de Marianne aurait pu aussi mal se passer, heureusement, elle est forte

Ce moment où tout s’effondre intérieurement

Bref, on est sortis tous les 3 de l’eau et on s’est rendus sur un petit sentier de gravelle. Là, j’ai craqué. La mince carapace qui me tenait encore a fendue. J’ai pleuré, je n’avais plus de souffle, je ne pouvais plus respirer. Tout mon corps tremblait. Après quelques minutes, Lise est arrivée et Polo et elle sont partis pour trouver Céline. Je suis restée seule. C’est alors qu’un ange est passé. Donna promenait son chien. Elle m’a vu et est immédiatement venue à ma rencontre. Voyant que j’avais froid et que j’étais en choc, elle m’a forcé à m’asseoir et ma prise dans ses bras dans un câlin tellement fort que le peu de forces qui m’étaient revenues est reparties à nouveau. J’ai tellement pleuré, je n’arrivais pas à parler, à expliquer.

Des câlins qui mettent un baume sur les douleurs

Dans l’heure qui a suivi, j’ai reçu beaucoup de câlins. Beaucoup d’amour. Je suis si peu habituée à ça. J’ai fermé mon cœur il y a très très très longtemps pour ne plus souffrir. Cette peur de l’autre me poursuit depuis si longtemps que je vis beaucoup de problèmes dans mes relations, quelles qu’elles soient. Peu le savent, car je garde ma porte fermée. Et c’est mieux comme ça car quand je l’ouvre, on y voit toutes les déchirures de mon cœur et de mon âme. La noirceur apparaît. Le démon que je tente de cacher se montre et à partir de là, il prend toute la place et le soleil ne revient plus.

Mais tous ces câlins m’ont fait beaucoup de bien. La seule fois où j’ai ressenti autant d’amour, c’est lors de mon premier accident d’escalade. Pas le 2e (j’avais perdu connaissance). Dans ce récit d’un choc post-traumatique, je me dévoile à vous, en vous montrant à quel point je suis vulnérable.

Tant de questions et si peu de réponses

Dans l’auto au retour, j’ai beaucoup pleuré. Le lendemain aussi. Aujourd’hui je vais mieux mais j’ai le cœur lourd. J’essaie de comprendre ce qui se passe avec moi. Je n’ai pas fait de mauvais move ce dimanche-là sur la Missisquoi. Rien n’était ma faute. Mais je sais que je dois aussi apprendre à écouter mon corps. Et prendre soin de moi. Pourquoi la honte de me voir pleurer me dérangeait autant? Pourquoi je ne me donne pas droit à l’échec? J’aurais été la première à protéger mes amis. À leur donner tout ce que j’aurais pu pour les aider. Alors pourquoi je n’accepte pas qu’on m’aide? Qu’on m’aime? Est-ce que la vie essaie de me faire passer un message? J’ai l’impression de ne jamais le comprendre. À combien d’accidents je devrai survivre pour allumer?

Sandra au sommet d'une paroi d'escalade en 2009
En 2009, j’étais loin de m’imaginer que j’aurais autant de difficulté à vivre aujourd’hui

Pourquoi j’aime autant le paddleboard de rivière?

J’ai découvert le paddleboard de rivière y a 2 étés et j’ai tout de suite adoré ça. J’ai retrouvé dans cette version du paddle le challenge qui m’animait en escalade. La gang d’amis, les week-ends tous ensemble. La préparation et la planification des sorties. Les défis à relever, la progression. Le sentiment de réussite, de fierté. Car sans vagues à franchir debout sur une planche, je sens que je suis peu de chose. La vie ne circule à travers moi que dans les moments de réussite, de difficulté où j’en sors gagnante. Mais je me pousse beaucoup trop souvent, trop loin. Incapable de m’arrêter. Et jusqu’à ce jour, je ne me savais pas l’heureuse propriétaire d’un choc post-traumatique!

Sandra en paddleboard sur le fleuve St-Laurent dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
J’adore le challenge et l’adrénaline que m’apporte le paddleboard de rivière

Ce besoin de toujours se dépasser

Je veux suivre les autres, faire comme eux. Mais je n’évolue pas toujours aussi vite et résultat, je suis déçue de moi. Je prends mes distances, je m’auto-critique. Je me compare aux autres en me disant que je suis la moins bonne. Et plus le temps passe, plus je m’en convaincs. Et ce dimanche 18 mai, même si je ne suis pas la seule à être tombée, je suis la suis à avoir réagi comme ça. Ben oui j’ai un choc post-traumatique alors ben oui c’est normal de réagir comme ça. C’est ce que j’entends et ce que tout le monde me dit. Mais moi, mon cœur est blessé et frustré d’être comme ça. Car j’en ai assez de vivre toujours tout intensément. Plus douloureusement. Plus difficilement. J’en ai assez d’avoir toujours le sentiment d’être derrière. De devoir me battre pour tout. Je suis si fatiguée.

J’espère sincèrement que cet article ne t’auras pas traumatisé à faire du paddleboard. Ça demeure un sport fantastique que j’adore et je n’ai pas l’intention de m’arrêter. J’ai un passé qui explique mon ressenti et d’en écrire les détails ici aura aidé à en exorciser la douleur. Pour connaître mes 12 meilleurs endroits pour faire du SUP au Québec, n’hésite pas à lire ce texte aussi.

Vivre avec un syndrome de choc post-traumatique

Je ne veux pas arrêter le paddle. Mais les randonnées plus tranquilles me manquent parfois. La douceur, la méditation, la réflexion vers soi. J’ai besoin de retrouver ça. J’ai de bons amis qui ont été là pour moi. Et j’ai un chum qui a un grand cœur. Il a bien vu que ma détresse était réelle. Il a été patient, doux et à l’écoute, malgré le choc qu’il vivait lui aussi.

Avec cette chute et la longue descente dans l’eau froide, j’ai réalisé que ce que j’avais vécu il y a 15 ans avait laissé des traces. Que même si je ne me souviens de rien de cette chute de 15 mètres, mon corps se souvient lui. Et au fond, ce n’est pas seulement cette journée qui m’a bousculée. C’est tout ce que cette peur a réveillé. J’ai vu la grandeur de ma détresse intérieure. J’ai vu à quel point j’avais encore du travail à faire sur moi. Mes blessures ont crié ce jour-là. Et je ne peux plus les ignorer. Il faut que j’en prenne soin.

Comment guérir d’un choc post-traumatique?

Alors comment on guérit d’un choc post-traumatique? Est-ce qu’on en guérit vraiment, ou est-ce qu’on apprend simplement à marcher avec lui, un peu plus doucement? Je ne connais pas encore toutes les réponses. Mais si toi aussi ton corps se souvient, si toi aussi tu portes des choses trop lourdes en silence… j’aimerais beaucoup lire ton histoire.

Sandra en paddleboard à Baie-des-Brises dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
Heureusement, 2 semaines après ma chute sur la Missisquoi, j’adore autant faire du paddleboard

Pagayeurs avec leurs planches à pagaie qui marchent sur un sentier de bois dans mon article Récit d’un choc post-traumatique sur la rivière Missisquoi en paddleboard #paddleboard #chocposttraumatique #reflexion #SUP
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